Futur hydrogène : pourquoi est-il incertain ?

Moins de 1 % de l’hydrogène produit à l’échelle mondiale provient de sources renouvelables. Ce chiffre, brut et sans appel, contraste violemment avec les dizaines de milliards d’euros injectés chaque année, depuis 2020, dans cette filière par des acteurs publics et privés.

Des stratégies nationales ambitieuses s’entrechoquent avec des freins industriels coriaces et des coûts de production qui varient du simple au triple selon la méthode choisie. Les scénarios d’évolution de l’hydrogène ne cessent de diverger, preuve que l’incertitude domine encore quant à sa place réelle dans la transition énergétique qui s’annonce.

L’hydrogène, une énergie d’avenir ou une promesse fragile ?

Entre l’élan industriel qui entoure l’hydrogène et la prudence palpable des décideurs, la filière avance sur une ligne de crête. En France comme en Europe, miser sur l’hydrogène pour accélérer la transition énergétique ressemble à un pari. Un regard sur les statistiques de la Commission européenne suffit à tempérer l’enthousiasme : sur les quelque 70 millions de tonnes produites chaque année, l’immense majorité continue de provenir de gaz fossile. La neutralité carbone, dans ce contexte, reste à l’état de promesse.

Sur le terrain, les industriels affichent leur optimisme. Plusieurs groupes français, portés par le plan France Hydrogène lancé par Emmanuel Macron, engagent des sommes considérables pour structurer une filière capable de produire et d’exploiter ce gaz à une échelle industrielle. Pourtant, la réalité technique s’impose : produire de l’hydrogène vert, via électrolyse de l’eau alimentée par des énergies renouvelables, demeure onéreux et marginal dans les volumes.

À ce jour, la majorité de l’hydrogène sert l’industrie lourde : raffinage, chimie, sidérurgie. Les applications dans les transports, qu’il s’agisse de bus ou de trains, progressent lentement, freinées par des coûts élevés et un manque d’infrastructures adaptées. L’hydrogène fait rêver comme source d’énergie propre, mais son déploiement à grande échelle suppose de résoudre une série de défis techniques, logistiques et économiques.

L’Europe a fixé des objectifs clairs, la France affiche de grandes ambitions. Mais transformer la promesse en solution crédible, sans tomber dans le piège de l’effet d’annonce, reste un défi de taille.

Panorama des différentes technologies d’hydrogène : vert, bleu, gris et blanc

Avant de s’emballer pour l’hydrogène, il faut en comprendre la diversité. Voici les quatre principales catégories de production, qui dessinent autant de trajectoires pour le secteur :

  • Hydrogène gris : Issu du vaporeformage du gaz naturel, ce procédé classique est le plus répandu à travers le monde. Il présente un lourd passif : la quasi-totalité de l’hydrogène sur le marché aujourd’hui est produite ainsi, avec d’importantes émissions de CO₂ à la clé. L’industrie lourde s’en satisfait, mais l’impact environnemental demeure problématique.
  • Hydrogène bleu : La méthode reste similaire, mais ici, une partie du dioxyde de carbone généré est captée et stockée. Cette tentative de compromis limite les rejets, sans pour autant s’affranchir du gaz fossile. Le gain environnemental suscite ainsi le débat.
  • Hydrogène vert : Changement de cap. Ce gaz est produit par électrolyse de l’eau, alimentée par des énergies renouvelables comme l’éolien ou le solaire. Il s’affranchit du recours aux ressources fossiles, mais reste très minoritaire en raison de coûts élevés, de volumes limités et d’une infrastructure encore balbutiante.
  • Hydrogène blanc : Présent naturellement dans certains sous-sols, notamment en Lorraine, il attire l’attention des chercheurs et de quelques industriels. L’exploitation reste complexe, les volumes exploitables sont incertains, mais certains y voient une piste à explorer pour l’avenir.

Quels sont les principaux défis économiques et techniques à surmonter ?

Le coût de production reste le principal frein à la démocratisation de l’hydrogène, surtout pour les filières dites « propres ». L’hydrogène vert, issu de l’électrolyse et des renouvelables, coûte nettement plus cher que son équivalent fossile. Les industriels, même les plus engagés, hésitent à franchir le pas tant que la rentabilité ne s’améliore pas, surtout dans un contexte où l’électricité elle-même reste largement carbonée dans certains pays.

Les infrastructures constituent un autre verrou. Malgré des annonces régulières, le nombre de stations de ravitaillement hydrogène reste marginal en France et en Europe. Sans réseau dense, difficile d’imaginer un décollage de la mobilité hydrogène. Le stockage pose aussi question : il faut comprimer ou liquéfier le gaz, ce qui nécessite des équipements spécialisés, coûteux, soumis à des exigences de sécurité élevées.

Sur le plan de la mobilité, les défis s’accumulent. La voiture à hydrogène offre une recharge rapide et une autonomie intéressante, mais son prix la place loin derrière la voiture électrique à batterie. La pile à combustible, cœur du système, dépend de matériaux rares dont l’approvisionnement et le recyclage restent incertains.

Résultat : les volumes restent faibles, avec seulement quelques milliers de voitures à hydrogène face à des millions de véhicules électriques. Pour l’instant, la filière peine à convaincre qu’elle peut dépasser le stade des projets pilotes ou des usages de niche, principalement dans les industries lourdes ou les transports collectifs longue distance.

Jeune femme avec tablette devant bus a hydrogene en ville

Hydrogène ou électricité : où se joue vraiment le futur de l’énergie ?

La mobilité individuelle s’impose comme un terrain d’affrontement clé. Les constructeurs automobiles privilégient le véhicule électrique, porté par le succès des batteries lithium-ion et l’expansion rapide du réseau de bornes de recharge. En France, le cap du million de voitures électriques est franchi, alors que les modèles à hydrogène restent l’exception : Toyota Mirai, Hyundai Nexo, les exemples existent mais relèvent encore de la démonstration.

Le stockage de l’énergie donne toutefois à l’hydrogène un avantage notable pour les transports lourds. Bus, camions, trains : la SNCF expérimente le train à hydrogène sur plusieurs lignes, et Airbus s’est fixé pour cap de faire voler un avion à hydrogène d’ici 2035. Les flottes captives et les zones où l’utilisation est intensive deviennent de véritables laboratoires.

Voici les grandes tendances qui se dégagent :

  • Pour la mobilité individuelle, la solution électrique s’impose grâce à sa facilité d’usage et un coût d’utilisation mieux maîtrisé.
  • Côté industrie lourde et longs trajets, l’hydrogène offre une autonomie supérieure et des temps de recharge réduits, des atouts majeurs pour les professionnels.

L’Agence internationale de l’énergie insiste : les deux filières sont complémentaires. L’électricité directe s’impose dans la vie courante, l’hydrogène trouve sa place là où la recharge rapide s’avère impossible ou les besoins énergétiques sont massifs. Paris, pionnière du bus à hydrogène, illustre bien cette dualité, tout comme d’autres métropoles européennes. La révolution énergétique ne viendra sans doute pas d’un seul camp : c’est la combinaison intelligente des technologies qui dessinera le futur.

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